Savasana
Dernière posture de la série, but du yogi, Savasana vise le retour à l’état inorganique, cet état avant que nous ne prenions un corps de chair. Tout le corps se relâche, la respiration devient embryonnaire. C’est ce que Freud, inspiré par le bouddhisme, appelle le principe de Nirvana, qui consiste à apaiser toutes les tensions physiques et psychiques, pulsionnelles, afin de retrouver la vie d’avant la vie. Le yogi appellerait cet état le samadhi, ou avoir conscience du sommeil profond, quand il n’y a plus de dualité entre le sujet et l’objet, le passé et le futur, la vie et la mort, le corps et l’esprit. Dans le sommeil profond, nous retrouvons cet état, comme si nous étions morts, mais tout disparaît, y compris l’esprit. Or, ce que cherche le yogi, c’est la conscience du sommeil profond, et donc, de la mort.
Le yogi danse au-dessus de la mort : Shiva crée tous les asanas en fonction des modalités d’incarnation que nous avons à vivre en vue de nous libérer du samsara. Shava, le cadavre en sanskrit, devient Shiva quand Kali danse sur son cadavre et lui redonne vie en lui rendant son « i »: Kala est le dieu du temps.
Nul besoin de mourir véritablement pour connaître le mystère de la mort. En savasana, nous sommes morts seulement en apparence: le corps, détendu en tout point, n’inquiète plus l’esprit : c’est le sens profond de la mort, non pas la fin de la vie mais d’une modalité de la vie.
C’est en trouvant un équilibre aussi avec la mort que nous nous sentons vivant, que nous nous réjouissons d’être vivant : « L’équilibre est la vie et la mort en même temps. Pour l’accomplissement de la vie, il faut l’équilibre avec la mort. Lorsque j’accepte la mort, mon arbre verdit, car mourir exacerbe la vie […]: Pour être et jouir de ton être, tu as besoin de la mort et cette limitation fait que tu peux accomplir ton être ». Jung, Le Livre rouge, p. 478.