Urdhva dhanurasana
Hermès, dieu des voleurs et messager des dieux, paraît plus amusant que le dieu romain Mercure, affairé aux choses du commerce. Le commerce assure un passage, un échange entre les hommes, inévitable dans le monde des formes, le monde social, où l’un de nos buts pendant notre incarnation est la prospérité et la richesse (Artha). Ce but n’est pas inférieur à d’autres qui sembleraient plus spirituels.
Sans la prospérité, sans doute, les hautes aspirations créatrices sont très difficiles, voire impossibles. Après tout, même le malheureux Van Gogh pouvait peindre parce qu’il était subventionné par son frère – on connaît la triste fin de l’artiste, cette « subvention » ne l’aura pas empêché d’être, comme le dit Artaud, un « suicidé de la société », un suicidé du monde social et sa férocité, mais il s’est peut-être sauvé au travers de cette œuvre que nous admirons toujours (– à moins de dire par pur snobisme et par mode, « je n’aime pas Van Gogh nia nia nia » – bien que l’œuvre soit inégale, soit… mais les mondains sont fatigants, même si on peut trouver un sublime dans la mondanité, quand il devient complicité, amitié secrète, fraternité choisie).
Hermès le voyageur passe les messages divins, il assure donc aussi la médiation, la relation. Alors rien de tel qu’un pont, littéralement l’arc (dhanura) vers le haut (urdhva), pour transmettre les messages transversaux et transcendantaux entre les uns et les autres. Ouvrant le cœur (anahata), la posture fait le pont entre le moi et le Soi, la zone secrète du cœur où se tient l’universel.
La posture procure une ouverture de la zone solaire, entre le nombril, le plexus solaire et le cœur : nous avons tendance au sein des affaires sociales à fermer cette zone, ainsi que celle du cœur, afin de nous protéger (et c’est fort légitime).
Pourtant, pour transmettre des messages, atteindre une pleine et claire conscience, activer notre Wi-Fi naturel resté inconscient, « turiya » (toutes les inventions très nouvelles sont en fait très anciennes), recevoir les mails des dieux et des autres turiya, nous avons à prendre conscience de cette ouverture de l’avant du corps, de notre cœur symbolique, pour être au diapason avec les autres.
Hermès est un dieu de clarté, lié à la Lune ascendante et à la déesse Hécate. Il est aussi associé au feu sacré, au feu divin : dans notre corps subtil, il s’agit de manipura chakra (situé entre le nombril et le plexus solaire donc, sa couleur est le jaune, son élément le feu).
Naturellement partial, Hermès favorise ses complices, ses amis, et c’est avec eux que nous pouvons faire l’expérience de notre turiya. Ce quatrième état de conscience mystérieux. « J’ai pensé à Sabine et instantanément, elle m’a envoyé un message ». « J’ai pensé à Raphaël et je l’ai croisé une heure plus tard à la gare Montparnasse ». « Sophie a écrit mon nom sur un papier pour penser à m’appeler, et je suis venue la voir ».
C’est que le Soi suprême, éternel et impersonnel, nous relie tous, et tient à la zone secrète du cœur, à l’intimité de son intériorité.