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Bhujangasana (le cobra)

Asanas

Bhujangasana 

 

Le serpent, symbole universel de la métamorphose.

 

Le serpent contient une symbolique forte présente dans toutes les mythologies et religions. Sur l’île d’Eubée vers 150 avant JC, « les Pérates (nom obscur qui signifie les Franchisseurs), découvre dans la constellation du Serpent ou du Dragon le sens même de la genèse du cosmos. C’est une constellation curieuse, une des plus vastes du ciel boréal et pourtant une de celles auxquelles on prête le moins attention. Elle déploie des sinuosités entre la Grande et la Petite Ourse, la queue perdue vers les Gémeaux, sa tête triangulaire pointée vers le pôle céleste. […]

Les Pérates, qui voyaient justement dans le Serpent le premier gnostique du monde, celui qui détenait la connaissance primordiale et avait tenté de la communiquer au premier homme dans l’Eden, retrouvèrent dans cette constellation l’image du Serpent primordial et son implication quant au destin humain: « Si quelqu’un possède des yeux qui savent voir, il verra en levant son regard vers le haut la belle image du Serpent enroulé au grand commencement du ciel. Alors il comprendra qu’aucun être ni au ciel ni sur terre ni aux enfers ne s’est formé sans le Serpent ».

Ainsi ces figures racontent-elles l’histoire première du monde et sont autant de signes qu’il convient de déchiffrer puisque tous ont leur pendant terrestre. Là haut, le grand Serpent lové aux racines du ciel. Sur terre, le serpent de l’Eden, lové aux racines de l’arbre de Connaissance ».

Jacques Laccarière, Les Gnostiques, Albin Michel, p. 20-21.

 

Ce serpent cosmique lové aux racines du ciel et aux racines de l’arbre de la Connaissance ne peut qu’évoquer le mythe de la kundalini, le serpent cosmique, qui englobe l’univers et dort enroulé au bas de notre colonne vertébrale, dans le chakra racine, le muladhara, représentant notre inconscient.

« La kundalini apparaît donc comme un réservoir d’énergie, soit qu’elle demeure latente dans le corps humain, soit que, recouvrant son essence consciente, elle vivifie les tendances et les oriente vers l’universel. Ainsi sert-elle de fondement aux techniques les plus diverses du yoga et aux expériences mystiques les plus élevées.

Mais en tant que gardienne du plus grand des trésors – l’immortalité – la kundalini évoque l’antique serpent des profondeurs, Ahirbudhnya, que célèbrent les Veda. Ce serpent est imploré en vue d’obtenir nourriture et vigueur, en même temps que la terre, le ciel, l’océan et les promoteurs de l’agencement cosmique. Son culte est associé à la vénération des plus anciennes divinités comme Aditi, mère des aditya, « déliement personnifié », ainsi qu’à celle des asura, gardiens des trésors. Parmi ces divinités le mystérieux serpent abyssal est très souvent invoqué avec Ajaekapad, le Non-né à un seul pied dont il ne diffère probablement pas. […]

Ne peut-on encore déceler quelque allusion à la kundalini  dans certains mythes de l’Inde ancienne où les naga, divinités puissantes à l’aspect de cobra, jouent un rôle important?

La littérature épique nous montre  Vishnou qui, dormant au milieu des eaux primordiales, repose sur les multiples replis du serpent cosmique Adisesa nommé encore Ananta, l’infini. C’est lui qui encercle la terre et la soutient.

Mentionnant aussi en Inde sans doute préaryenne et spécialement au Cachemire, le culte rendu aux prestigieux naga, à la fois serpents divins et sages mystiques en possession d’une science éminente, occulte et recélant une céleste ambroisie.

Les divinités-serpents sont également présentes dans maintes légendes bouddhiques que relate le Tripitaka pali : on y voir le Bouddha maîtrisant de dangereux naga  comme celui d’Uruvilva: tous deux combattent une nuit entière avec pour seule arme le feu ardent (tejas) qu’ils émettent : le naga crachant ses flammes est finalement vaincu par la splendeur ignée du Bouddha. Mais à l’ordinaire le naga, converti par la parole de l’Eveillé, lui prête son aide. Tel est le roi des naga, Muchilinda, que de nombreuses sculptures représentent dressé derrière le Bouddha et qui, pour protéger sa tête des intempéries, étend son capuchon au-dessus de lui en guise de dais ou d’ombrelle.

[Au coeur du système shivaite – Shiva est le dieu des yogis), « la plus haute des initiations par percée, celle dite précisément « du serpent » (bhujangavedha), l’énergie effectue une fulgurante montée jusqu’au sommet du crâne et s’épanouit en félicité sous l’aspect d’un cobra au quintuple capuchon vibrant d’une vie intense. Ainsi déployé au-dessus de la tête, il symbolise le dvadasanta cosmique: toutes les énergies du yogin sont à ce stade omnipénétrantes et s’étendent à l’univers entier. »

Lilian Silburn, La Kundalini, « L’Energie des Profondeurs », Les Deux Océans, Paris.

 

Ces forces inconscientes du serpent n’ont pas manqué de marquer la psychanalyse de Jung, auteur du Yoga de la kundalini et du Livre rouge, ouvrage posthume accompagné de fabuleux dessins où ils racontent la percée de ses propres serpents inconscients vers « l’esprit des profondeurs ».

« Le serpent est l’animal, mais l’animal magique. Presque personne n’est neutre dans la relation au serpent. Quand on pense au serpent, on est toujours en contact avec l’instinct primordial. […] Le serpent montre la voie des choses cachées et est l’expression de la libido qui s’introvertit, et qui conduit l’homme à dépasser son seuil de sécurité et les limites de sa conscience. […] Le serpent représente la tendance à aller vers les profondeurs afin de se délivrer du monde des ombres ». Jung, Introduction à la psychologie jungienne, p. 193-195.

 

« Tel un serpent aux mouvements vifs, l’esprit, quand il entend le son, oublieux de toutes choses et uniquement attentif à cela, ne court plus nulle part.

L’esprit est fasciné par le nada, comme le serpent charmé par le son. A propos de cet oubli de soi éprouvé dans le samadhi, Brahmananda cite une définition du Visnu-purana: « Quand seulement l’objet de la méditation (le Brahman) est illuminé par la conscience et que l’on devient comme vide de sa propre nature, c’est le samadhi. »

Hatha-Yoga-Pradipika, p. 270.

 

 

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