LA GYMNOSOPHE > Eka pada rajapotanasana IV
eka pada rajakapotanasana IV
Eka pada rajapotanasana IV chez Marguerite

Eka pada rajapotanasana IV

Asanas

Eka pada rajapotanasana IV

La rencontre de la posture d’Hanuman, le dieu singe (voir Hanumanasa) avec celle du pigeon royal (voir Eka pada rajakapotanasana) donne une sensation de complétude difficilement comparable à aucune autre, l’alliance de la force d’Hanuman, de la grâce de la colombe et de leur souplesse.

Cette posture est si belle que je l’associe librement à Vénus, l’une des déesses romaines ayant le plus inspiré les artistes et les poètes, sans oublier l’éternel féminin parodique de la Vénus anadyomène de Rimbaud, célébrant (dans un poème sexiste, grossophobe et misogyne, sic !) la beauté d’une femme fort laide que peut-être nous aurions regardé avec dégoût. Posture esthétique et exigeante, féminine, une posture royale aussi, « raja », et variation de la sirène.

Aphrodite n’est pas une moindre déesse, elle est la fille d’Ouranos, le ciel primordial, et de Pontos, l’océan. Comme Skanda, le fils de Shiva (voir Skandasana), elle est engendrée du sperme de son père jeté dans les eaux : mais Skanda sera le chaste (du moins avec les femmes, le reste étant relativement flou) dieu des armées divines, quand Aphrodite, au contraire, vit de nombreuses histoires d’amour, notamment avec Hermès, dont elle aura un enfant « hermaphrodite ». Dans la mythologie indienne, Shiva peut se manifester sous la forme d’Ardharishvara Shiva, le seigneur androgyne. Les amours de Mars et Vénus sont devenues un insoutenable poncif (cela encore plus lors de la commerciale Saint Valentin).

Aphrodite devient la déesse de la beauté quand Pâris choisit de lui donner la pomme d’or destinée « à la plus belle » en échange de l’amour d’Hélène, la plus belle femme du monde. La vanité d’Aphrodite et la faiblesse de Pâris, qui aurait pu préférer les dons sérieux d’Athéna ou de Héra, auront donc déclenché la guerre de Troie, projection des problèmes divins dans le monde humain. Pourtant, il semble que tous nous comprenions le choix de Pâris. Nos amours ne sont pas sérieuses au sens où socialement on l’entend. En amour, nous avons dix-sept ans pour toujours.

Dans la mythologie indienne, les vraies amours sont clandestines, transgressant les normes sociales, elles ne sont ni le fruit ni la cause du mariage : les affinités électives n’ont rien à voir avec la morale d’une époque et les codes sociaux. Elles se vivent donc en secret, en marge, et c’est là le lieu de la volupté, de l’érotisme et de l’extase sexuelle comparable à l’extase mystique. Lisez Paradis ou Femmes de Sollers, Bataille et Klossowski.

L’idéal de beauté grecque et indienne, ce n’est pas l’épouse, mais l’éphèbe – comme chez les anciens Grecs. L’inconscient collectif érotique est très marqué par cela, et le démon de l’humanité, c’est bien la sexualité, qu’il faut taire et cacher. Cupidon ne choisit pas de lancer ses flèches pour complaire aux normes sociales, et d’ailleurs, il ressemble plus au dieu grec Kairos, petit démon du « moment importun ».

Quant à Eros, il est un vagabond rusé, transgresseur et très intelligent. Il a aussi quelque chose de Dionysos, les dionysies et bacchanales célébrant les mystères orgiaques. L’orgiaque répond à une quête d’infini, qui fait conclure Deleuze admirablement son livre majeur, Différence et répétition, par ces mots qui ont fait naître ma façon de réinterpréter l’antique gymnosophie : « Le plus grand effort de la philosophie consista peut-être à rendre la représentation infinie (orgique) […] qu’elle capte la puissance de l’étourdissement, de l’ivresse, de la cruauté, même de la mort. Bref, il s’agit de faire couler un peu du sang de Dionysos dans les veines organiques d’Apollon. »

Le dieu indien Kâma, le dieu de l’amour, a ses propres sutras, inutile d’inventer « kamasana », une posture de Kâma, le manuel pratique du Kâmasutras est assez développé !

 

La Gymnosophe