Virabhadrasana 2
Le yoga, symbole universel de paix et d’amour, ne suppose pas un angélisme naïf. Il provient aussi d’un art de la guerre, au sein de la grande épopée du Mahabharata, la Bhagavadgita, où le dieu Krisna enseigne à Arjuna que même s’il n’en a pas envie, il doit faire la guerre contre sa famille pour rétablir la justice du monde. C’est sans nul doute l’une des raisons pour laquelle les postures de guerrier ou liée à la lutte abondent. Le Hatha yoga lui-même suggère une idée de violence contre soi-même, de la même façon qu’Arjuna doit se faire violence pour combattre sa famille (les pires guerres sont en effet les guerres familiales). Au Vinyasa yoga, nous cherchons la victoire sur notre propre ego.
L’action dans le monde en devenir est inévitable. Pour autant (et contrairement à ce qu’en pensait Sartre), nous ne sommes pas notre action, pas plus que nous ne sommes nos pensées ou nos émotions. Tant que nous nous confondons avec nos pensées ou nos actions et leurs inéluctables conséquences, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, nous souffrons.
Dans les variations du guerrier, le regard porte la posture, la détermination est essentielle : le mental se dédie entièrement à ajuster la posture, la conscience parcourt tout le corps afin d’en trouver les rouages subtils. Le corps devient léger, se déploie de la gorge au bas-ventre, le ventre rentré allège la posture, la colonne vertébrale s’étire tandis que la jambe pliée à 90 degrés donne un ancrage dans le sol, avec lequel les contacts s’éliminent peu à peu, le poids est dans les talons, le bord externe du pieds de la jambe tendue repousse un mur imaginaire, afin de porter la posture.
La guerre que nous menons dans le guerrier est bel et bien une guerre contre notre propre mental, notre moi qui chouine et se plaint, qui redoute l’effort et pense qu’il ne tiendra pas la posture, que le corps n’en est pas capable car il ignore ses possibilités. C’est pourquoi les postures de guerriers sont emblématiques du Hatha yoga (le yoga physique, « sportif »).
Tous ses efforts visent la dernière posture de la série, shavasana, la posture du cadavre. Shava, le cadavre de Shiva, repose et la terrible déesse Kali, représentant l’injustice justice karmique, où nous récoltons les fruits des actions de nos vies passées que nous avons oubliées, vient danser sur le « Shava » qui devient alors Shiva, Kali rend à Shiva son « i » et lui donne vie. Shiva, en colère, devient Rudra le destructeur, le terrible. Skanda, son fils, né du sperme de Shiva tombé dans le Gange, est le protecteur des armées des dieux.
Menons nos guerres, mais sans rien en attendre. L’inaction est mauvaise, l’action désintéressée nous sauve.
Écrire un livre sur le silence.